histoire

Chambonas : petit village, site admirable.

La commune, ex paroisse, de Chambonas présente la particularité d’être à cheval sur le Chassezac, qui fut pourtant jadis frontière entre le Vivarais au nord, terre d’Empire au haut Moyen-Age, et le diocèse d’Uzès au sud appartenant au royaume de France. C’est une commune d’assez grande superficie, même depuis que Chassagnes en a été disjointe à la veille de la Révolution.

Elle est composée de nombreux hameaux, avec au centre « le village », toute petite agglomération aux minuscules ruelles, pas encore trop défigurée. Et, témoins d’un riche passé et presque trop grands pour lui, trois monuments historiques d’importance.

Quelle vista ! Quelle beauté pour qui découvre, depuis la cave coopérative à l’orée des Vans,  le panorama de Chambonas : les méandres du Chassezac, avec l’étroit pont médiéval au premier plan et, par derrière,  les tours aux toits pointus de l’’imposant château, son parc à la française et l’église romane blottie à leur pied !

C’est d’ailleurs de ces méandres que la commune tirerait son nom : non pas le latin « campus bonus » - le bon champ - mais le celtique « cambo » : la courbure.

Deux sources à ces insolites richesses architecturales (classées) :
  • à l’origine de l’église romane et du pont médiéval, la riche abbaye bénédictine de Saint-Gilles, jadis port de mer sur le delta du Rhône.
  • à l’origine du château et de son parc, la famille des La Garde de Chambonas, petits nobliaux du Moyen-Age qui atteindront une certaine grandeur au XVIIIe siècle.


L’église romane

Classée depuis 1907, l’église de Chambonas, dédiée à Saint Martin, date pour sa plus grande part du XIIIe siècle (roman tardif). Entre château et mairie, elle est collée au presbytère édifié au XVIIIe siècle par le prieur contre-révolutionnaire Claude Allier.

L'église de Chambonas

C’est un édifice de dimensions modestes et d’une grande sobriété, tout en grès et  lauzes, avec son portail triplement voussuré protégé par un auvent de pierre, son clocher carré rajouté au XVe siècle et, à l’intérieur, l’abside à cul de four du chœur prolongeant une nef de trois travées voûtées en berceau légèrement brisé.

D’une grande clarté, cet intérieur. Un peu froid ? Mais, dedans comme dehors, quelle richesse iconographique ! Quelle profusion d’images de pierre !

Dehors, toute une guirlande de modillons sculptés s’égrène sous la corniche, également sculptée. Tous plus étranges ou plus pittoresque les uns que les autres !

Levez la tête : vous trouverez, dans le désordre, un amphisbène (reptile mythique à deux têtes) voisinant avec deux oiseaux picorant un épi ; une tortue et une chèvre à collier ; un sonneur de trompette ; lo bofarèl (visage aux joues gonflées) ; un sanglier ; lo podet (serpe de vigneron) ; lo cagaïre (fessier en activité ; côté nord , au-dessus de l’ancien cimetière!); un visage qui fait la trogne ; une flûte à quatre trous ; une cornemuse ; des instruments d’artisan ; les symboles des quatre évangélistes (du côté de la lumière, au sud !), etc., etc.

A l’intérieur, un cordon mouluré sculpté fait le tour de l’abside, et nombre de chapiteaux sont ornés de feuilles en relief ; feuilles de châtaignier surtout, semble-t-il. Plus des têtes humaines, parfois couronnées, des fleurs de lys mariales, le blason des seigneurs de Naves et celui des La Garde de Chambonas…

Le pont médiéval

Le Pont  de Chambonas

135 mètres de long. Le plus grand pont médiéval subsistant en Ardèche !

Il a fière allure, avec ses cinq arches toutes différentes, ses quatre piles  dont deux munies d’un double avant-bec triangulaire, et sa voie unique propice aux nez-à-nez automobiles et aux échanges de noms d’oiseau !

Contrairement à ce que veut la légende, il ne remonte pas aux Romains. Dans son premier état, il date sans doute du XIIe siècle. Si c’est effectivement l’abbaye de Saint-Gilles qui l’a fait construire, ce fut certainement pour faciliter la traversée du Chassezac en toute saison, sur l’un des chemins conduisant du Bas-Rhône vers Le Puy, par Peyre.

Quel spectacle, et quelle poussière, quand naguère encore les troupeaux de moutons l’empruntaient pour la transhumance !

Le château

Le Château de Chambonas

Dans son aspect actuel et malgré les apparences, ce n’est pas un château médiéval.

Il tire son origine d’une maison noble déjà signalée au XVe siècle et dont subsiste sans doute la « vieille tour » du nord. Mais ce n’est, semble-t-il, qu’à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle qu’il est fortifié et pourvu, en quadrilatère, de ses trois autres tours. Le cinquième toit pointu n’est que le sommet d’un escalier de service construit au XIXe siècle !

Construit en grès à flanc de coteau directement sur la roche, le château était avant tout un symbole de pouvoir et un lieu de garnison : les seigneurs de Chambonas, descendants de seigneurs pariers de la Garde-Guérin (au-delà de Villefort sur la voie Regordane), furent chargés par le pouvoir royal, dès la fin du XVIe siècle, de surveiller voire de punir la petite ville huguenote des Vans.

Ils y gagnèrent de voir la seigneurie érigée officiellement par Louis XIV en marquisat (1683),  et d’approcher ensuite la Cour : le comte et la comtesse de Chambonas dans les années 1700, furent, lui, premier gentilhomme et, elle, première dame du duc et de la duchesse du Maine, au château de Sceaux.

Leur fils et leur petit-fils furent eux aussi des militaires : colonel et maréchaux de camp. A la Révolution, le troisième marquis de La Garde de Chambonas, Victor Louis Scipion, devint maire et bienfaiteur de la ville de Sens, puis très éphémère ministre des affaires étrangères de Louis XVI, avant d’être contraint à gagner l’Angleterre.

C’est à Victor Louis Scipion (vers 1770-1780) - ou peut-être à son père deux ou trois décennies plus tôt - que l’on doit la réalisation du beau jardin à la française que la légende locale attribuait jadis au grand Le Nôtre : cinq terrasses successives descendant vers le Chassezac, plein sud, quasiment dans l’axe du pont médiéval, qui ont exigé des travaux de terrassement colossaux. Sur chaque terrasse gazouillent toujours des fontaines, alimentées par un aqueduc de plus de sept cent mètres de long…

Après la Révolution, les La Garde étant ruinés, le château devint la propriété d’une autre famille de vieille noblesse vivaroise, les Chanaleilles, qui surent le restaurer, l’entretenir et, disons-le, l’aimer, de même que leurs descendants directs les de Marcieu.

Le parc est à voir absolument, de même que l’harmonieuse façade sud avec sa porte à bossages Louis XIII, …quand les grilles du château - propriété privée - sont ouvertes à la visite, l’été ou lors des Journées du Patrimoine.